2.28 - La "Mémée" Déronzier résistante et déportée

Pour beaucoup c'était la Mémée Déronzier, pour nous tout simplement notre tante Elise.

Maria Elise Vasetto l'aînée est la seule qui porte un prénom à consonance italienne, petit rappel des origines piémontaises de son père Jean Baptiste. Née en 1886 à Eloise elle passe sa jeunesse au Bois d'Arlod et doit donner un coup de main à ses parents au café du Dragon. Peut être va-t-elle chercher du travail dans la grande ville à Lyon ? Est ce là qu'elle rencontre Jean ? Ils habitent ensemble et à 21 ans elle se marie à Lyon à la Mairie du 6ème. Jean Marius Deronzier né en 1887 à Annecy, ébéniste, est issu d'une lignée savoyarde, son père est tailleur de pierres, sa mère blanchisseuse et ils habitent au 7 Côte Perrière à Annecy cette maison où j'aimais tant aller pour voir la tante Elise. Jean et Maria auront 2 enfants Auguste né en 1908 et Jeanne en 1912.

Maria et Jean reviendront s'établir à Annecy en 1914 où Elise s'installe comme restauratrice dans la rue Jean-Jacques Rousseau. 

Le petit café souvent inondé par les débordements du Thiou a deux issues l'une sur le quai et l'autre rue Jean-Jacques Rousseau. Bien pratique quand on est poursuivi par la police. Car le petit café devient vite le rendez-vous des antifascistes, des anarchistes et des communistes et à l'étage les républicains italiens et espagnols s'y croisent  tout comme les syndicalistes de la Bourse du Travail attenante où son mari Jean en est le secrétaire depuis 1919. Car les idéaux de justice et de solidarité sont au coeur des principes de Jean et de Maria.

 

Le café côté Thiou et côté Jean-Jacques RousseauLe café côté Thiou et côté Jean-Jacques Rousseau

Le café côté Thiou et côté Jean-Jacques Rousseau

Maria Elise va perdre son fils Auguste en 1936 et son mari Jean en 1937, elle restera seule pour continuer le combat. Plus tard sa fille Jeanne née en 1912 perpétuera le Café Jean-Jacques Rousseau.

Dès 1940, Maria fait l'objet de surveillance et d'enquêtes par le régime de Vichy mais ne renie pas les idées pour lesquelles elle combat. En 1943 elle est arrêtée par les italiens de Mussolini dénoncée par des fascistes. Détenue pendant une semaine, elle est relâchée. Mais elle reste dans le viseur de la milice de Vichy.

Le 13 mars 1944, c'est la grande rafle d'Annecy. Objectif des forces de l'ordre françaises : éliminer les points de résistance armée des maquisards et détruire toute résistance au sein même de la population. C'est une rafle bien préparée et ciblée. 98 personnes seront arrêtées et parquées sur le bateau "France" amarré sur le lac à quelques pas du Thiou. Elles y resteront plusieurs jours et endureront pendant ce temps humiliations, interrogatoires et tortures… Les français arrêtent, les allemands déportent ... Cet épisode est à lire dans le livre de Michel Germain "Histoire de la Milice". 

Ainsi Elise sera livrée aux mains de la Gestapo direction école Saint-François puis le fort de Romainville. De là elle est envoyée dans le sinistre camp de Neue Bremm, à Sarrebrück, camp de  torture de la Gestapo véritable camp de transit et de regroupement avant d'être transférée à Ravensbrück. Sur les 130 000 femmes déportées dans ce camp, elle fait partie des 8% de françaises qui aux côtés de Germaine Tillon, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Marie José Chombart de Lauwe et de tant d'autres lutteront jour après jour pour tenter de survivre à ces conditions inhumaines... Elle est affectée au travail du sel dans les terribles mines de Bendorf à 600 m sous terre ...

Je n'en dirais pas plus, je revois son bras tatoué de bleu numéro 43230 , je nous revois à Eloise sur le banc où elle me racontait certains épisodes de sa captivité entre cruauté, détresse et solidarité... Mais j'ai lu tant et tant de livres sur l'univers concentrationnaire dans mon adolescence qu'aujourd'hui il m'est impossible d'en relire un seul ... l'horreur absolue ... c'est comme si un trop plein s'était installé et aujourd'hui encore les larmes m'oppressent en recherchant des infos sur internet ... et toujours impossible de m'attarder à la lecture des articles ...

Libérée en mai 1945 n'étant plus que l'ombre d'elle même, à 58 ans elle devait peser à peine 30 kg, elle fut soignée en Suède à Malmö avant d'être rapatriée en France.

Présidente d'honneur de la FNDIRP, son courage exemplaire lui a valu de nombreuses récompenses Médaille Militaire, Croix de Guerre, Médaille de la Résistance, Légion d'Honneur ...

Inhumée au cimetière d'Eloise elle nous a laissé à 80 ans, en décembre 1966, victime d'un malaise cardiaque et je me souviens que dans sa chambre , il y avait toujours des bonbons mais aussi une fiole de whisky car le médecin lui avait dit que c'était bon pour son coeur ... 

Elle avait un coeur gros comme ça, la mémée Déronzier, notre tante Elise et le plus bel hommage lui a été rendu par ses petits enfants du Québec Jean (fils d'Auguste) et Geneviève Rey qui, pour ne pas oublier, ont fait jaillir mots et dessins dans un recueil de poèmes "Chants de mort pour Maria".

"Il y a Maria, cette femme du peuple qui a su dire non."

"... ici les enfants / ne croient plus / au Père Noël / personne ne vient / par la cheminée / ici se sont / les âmes des enfants / qui s'envolent / par la cheminée. / Maria tu le sais / tu le sais et tu pleures." Jean Déronzier

Une décoration parmi tant d'autres

Une décoration parmi tant d'autres

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