Le Champ-de-Mars

Le Champ-de-Mars

Un temps pourri que cette année 1896 ! Elle avait mal commencé par une vague de froid, quant au printemps n'en parlons pas, un été pluvieux  et des premières gelées qui sont arrivées dès début octobre et maintenant à l'approche de Noël on tente d'oublier les violentes tempêtes du début du mois .... Un temps de chien !

Et pourtant en ce mois de décembre 1896, Bourgoin est en pleine effervescence. Certes on pense déjà à Noël mais l'attention de tous les bergusiens est attirée par quelque chose d'insolite et le bouche à oreilles bat son plein. On en parle partout dans les cafés, on s'interroge et on voudrait bien voir !

Une séance de projections lumineuses est annoncée. Quoi ? Oui des photographies animées ! ils appellent ça le Cinématographe ! Alors tout le monde se presse déjà au Champ-de-Mars. C'est la maison Vallet qui accueillera pendant une semaine tous les après-midi pour la première fois le Cinématographe Joly

 

Une journée de décembre 1896 à Bourgoin

Le premier à être au courant c'est bien sûr notre Hippolyte Brun-Buisson. Il tient cette information d'un journaliste qu'il connait. Et tout ce qui est reproduction d'image l'émerveille, comme un enfant !  A 50 ans, il est toujours prêt à voir les nouveautés ! lui le libraire, le papetier, le publiciste et nul doute qu'il ira même à la première pour saluer par la même occasion Monsieur le Maire Louis Claret. 

Il avait longuement discuté avec lui quelques mois auparavant lors de l'inauguration de l'Hôpital, au Pré Orcel à la Folatière. C'est que Bourgoin se modernise et Hippolyte voit ça d'un très bon oeil pour ses affaires. Déjà depuis les années 60 le PLM permet de relier aisément Bourgoin à Lyon et aujourd'hui un décret vient d'être publié pour la mise en fonction d'une ligne de l'est lyonnais vers Jallieu en terminus. Et un service hippomobile va se voir le jour ! Le progrès ne s'arrête pas ! 

C'est donc avec un plaisir non dissimulé qu'il se rendra à la Maison Vallet en compagnie de son épouse Marie. Ce sera sa première sortie après la naissance de Gabrielle. Sa belle-mère Clémentine Bressieux est un peu fatiguée et elle restera à la maison pour veiller sur les deux petites filles Marcelle et Gabrielle. Mais sa belle soeur Rosine sera toute heureuse d'accompagner le couple. Il sera au bras de deux jeunes et jolies femmes et ce sera l'occasion de parader et de voir du beau monde !  

En rentrant à la librairie, place d'Armes, il a croisé son fils et bien sûr il lui a parlé de cet événement. Mais Francisque a fait mine de ne pas être intéressé !  Seulement à peine arrivé à son domicile au 25 rue de la Liberté il n'a pas pu s'empêcher de montrer sa joie à Julie. Il faudra faire garder la petite Marthe par tes parents car nous allons sortir demain. Oui sortir, voir des images animées ! Julie est interrogative . Comment c'est possible, ça ? Alors sous les yeux admiratifs de Julie, Francisque raconte cette nouvelle forme de photographie où la pellicule est entraînée et produit des images qui bougent ! Le progrès est en marche ! 

Certes, c'est une dépense qui n'était pas prévue dans leur petit budget, c'est même plus cher qu'un billet de spectacle mais qu'importe Francisque, le rationaliste, a bien envie de voir les progrès que peuvent faire la science et la technique. Alors ils iront. Oui, mais pas à la première, pas le même jour qu'Hippolyte !

Julie est visiblement conquise. Aussi se dépêche-t-elle de se rendre chez son père, rue de la République. Le salon de coiffure de Claude Henry est encore ouvert, elle embrasse son père et monte à l'étage voir sa mère pour lui expliquer qu'elle va aller voir du Cinématographe ! Annette l'écoute et trouve que cette sortie est un peu une folie ! Les enfants Antonine et Claudius écoutent la conversation et sont excités . Mais non ce n'est pas pour les enfants s'exclame Annette. Alors Marie l'aînée 24 ans se propose de les emmener au spectacle de Guignol pour Noël. C'est la joie à la maison. 

Appareil de projection de l'époque

Appareil de projection de l'époque

Ainsi toute cette semaine de décembre, les conversations des bergusiens vont bruisser à propos de ce Cinématographe de passage dans leur ville. Juste un an après la première séance publique des Frères Lumière à Lyon !

Pendant ce temps là Antoine Saignier , cantonnier rentre chez lui au 2 rue de l'Escot. Lui aussi a entendu parler du Cinématographe et il raconte à Rose Duplessis son épouse les commérages qu'il entend , les réactions des gens, certains crient pris de stupeur, d'autres rient cachant leur émotion , d'autres encore ouvrent grand les yeux ne voulant manquer aucune seconde car les images projetées durent très peu de temps ! De toute façon, ce genre de sorties ce n'est pas pour eux ! Les temps sont durs et ce qu'il fait froid dans cette maison ! Les enfants du couple travaillent déjà pour apporter leur obole. Antonine leur fille aînée 15 ans est domestique, Rémy le fils d'Antoine 13 ans est mentionné comme clerc. Seuls les plus jeunes Joseph 10 ans et Joséphine 4 ans sont à la maison. Pour eux, c'est une semaine comme les autres froide et triste. 

Ainsi va la vie à Bourgoin dans ce froid mois de décembre 1896. 

 

Le calendrier de 1895 n'a plus cours ! Vive 1896 !

Le calendrier de 1895 n'a plus cours ! Vive 1896 !

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