J ... comme Journalier des Terres Froides

Contrairement aux idées reçues, nos ancêtres voyageaient beaucoup pour toutes sortes de raisons, mariages, fêtes et foires, travail, pèlerinages, service militaire, guerres ... et aussi aventure. A pied, à cheval ou en voiture les transports n'étaient guère sûrs... Les frontières se traversaient allègrement et les flux migratoires étaient constants. C'est le thème de mon Challenge AZ 2022. 

Si certains petits paysans indépendants se manquaient pas de circuler souvent à l'occasion de fêtes, de foires ou pour aller chez le notaire voisin , d'autres ne se déplaçaient que pour travailler et nourrir leur famille. Lorsqu'on est pauvre, que l'on ne possède pas de terre, alors on loue ses bras, sa force de travail, on quitte son village, son hameau, pour aller travailler ailleurs à quelques lieues de là. 

C'est le cas des journaliers dénommés aussi manouvriers ou brassiers, ils sont payés à la journée ou la tâche.

Le journalier est censé être susceptible de cultiver en une journée un "journal" de terre, le journal étant une unité de surface variable selon les régions,  équivalente à un arpent de terre, à environ un demi hectare. 

Dans une ferme, le journalier n'est ni plus ni moins qu'un ouvrier agricole. Il accomplit les basses besognes telles que  le nettoyage des étables, la surveillance du bétail , la mise en fagots du bois mais aussi les travaux saisonniers qui requièrent de la main d'oeuvre sur un temps court, la fenaison, les moissons ,  les labours, les semailles, les vendanges. Il faut donc se lever au petit jour , marcher quelques kilomètres pour rejoindre son lieu de travail puis trimer dur pour quelques sous avant que le soir venu, dans la nuit tombante il faille regagner son pauvre chez soi. 

Dans un sens il vaut mieux être domestique à la ferme car là pour le même travail, on est au moins loué à l'année, logé et nourri , avec la grange pour dormir quelques heures et un peu de pain et du lard pour nourriture. 

Le château de Rosière

Le château de Rosière

Dans mon arbre les journaliers et journalières sont nombreux. Suivons Pierre Thuillier mon sosa 154, journalier dauphinois. 

Son père Pierre est vigneron à Jallieu, en tant que fils aîné ce dernier a probablement hérité de quelques petites parcelles de vigne que lui a légué son propre père Jean Thuilier.

Mais mon Pierre, sosa 154, né en 1740 a la malchance d'être le petit dernier d'une fratrie de 9 enfants. Ses frères aînés passeront avant lui. Aussi c'est en novembre 1767 qu'il se marie à Jallieu avec Marthe Genin, juste une semaine après la mort de son père, à peine enseveli au cimetière de Jallieu .

Pour rattraper le temps perdu, Pierre sera lui-même père dans la foulée ! C'est donc à Ruy - à 5 ou 6 kilomètres de Jallieu - où il réside désormais que naît en février 1768 la petite Jeanne. Pierre est alors journalier. Une seconde fille va naître et mourir en janvier 1771. 

En août 1773 lorsque naît son 3ème enfant, un garçon baptisé Claude ,  il est fermier à Rosières. Probablement employé à la ferme du château, près de l'étang et les 3 ou 4 km sont vite avalés dans la campagne ou à travers les chemins de forêt.  

En février 1775 à la naissance de Claudine, les deux parents Pierre et Marthe sont notés journaliers à Ruy. 

Enfin en septembre 1777 un petit Pierre est baptisé à Ruy et son père Pierre est noté en tant que "journallier"

Ainsi va la dure vie à Ruy. Les sols sont durs à travailler, boueux ou caillouteux et les rendements sont faibles. Ici nous sommes dans les Terres Froides, le climat est rude, les hivers sont froids, les étés parfois très secs sans compter l'humidité malsaine des marais. 

Les paysans dauphinois sont parmi les plus pauvres. Un anglais Arthur Young qui traverse la région en 1789 est frappé par "l'air de pauvreté et de misère" des hameaux qui contraste avec l'agréable apparence des châteaux situés sur les hauteurs. 

Pierre décède en 1781, il a tout juste 41 ans. Ses fils Claude et Pierre seront de tous jeunes hommes lorsque en 1789 éclate la Révolution et surtout la Grande Peur. Que l'on pourrait appeler la Grande Colère ! Faisaient-ils parti de ces paysans révoltés de Ruy qui avec ceux des Eparrres, de Maubec, et de Four  dans l'après-midi du 28 juillet 1789 se sont dirigés vers le château de Bourgoin  pour réclamer les terriers afin de les brûler faisant disparaître par là-même la description des terres et surtout les services à rendre, les cens et les redevances, bref les charges fiscales que l'on devait aux nobles, aux bourgeois, aux monastères, aux abbayes et qui réduisaient les paysans à la mendicité. 

Dur, dur d'être journalier mais au moins on ne mendie pas ! Pierre le dernier fils sera lui aussi journalier et épousera une de ses cousines Françoise Thuilier, cultivatrice à Jallieu et descendante de Pierre Thuilier, vigneron. 

 

 

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