Frangy

Frangy

Revenons maintenant à la fille de Francisque, Marthe qui a épousé Louis Roussel et se retrouve après la guerre de 14-18 à Frangy où son mari, mutilé de guerre,  est facteur. La famille comporte 3 enfants le fils aîné André et les deux filles Louise et Jeanne nées respectivement en 1926 et 1928, deux frangines résolument soudées entre elles !

Enfants, les fillettes étaient souvent terrorisées par les colères de leur père et à l'image de leur mère, elles n'osaient pas répondre...  

Nous sommes dans les années 30, l'école débutait en octobre pour faciliter les tâches agricoles et s'arrêtait autour du 14 juillet pour que les enfants puissent aider à la fenaison. Le jour de repos était le jeudi et on travaillait toute la journée du samedi. Il fallait se mettre en rang et l'institutrice vérifiait la propreté des mains. Les élèves devaient entretenir la classe et à la récréation les filles jouaient à la marelle ou à la corde à sauter... Mais  hors de question d'aller chez les camarades de classe car en retour on n'invitait personne à la maison. Il fallait rester entre soi...  

Frangy, du fait de sa situation géographique,  a un long passé de village de commerce. Le Grand Pont construit en 1677 favorise le passage pour aller à Genève et les foires agricoles et marchés aux bestiaux  attirent de nombreux visiteurs. Il existe même caserne des douaniers  et un projet de tramway pour relier Frangy à Annecy fut même étudié puis abandonné.

Frangy c'est aussi le pays de la Roussette . Cultivé très tôt dans la vallée des Usses, ce vin blanc prend son essor dès le XIème siècle...Il était fort apprécié par Jean-Jacques Rousseau qui en 1728 déclare : "son vin de Frangy qui me parut excellent, argumentait si victorieusement pour lui que j'aurais rougi de fermer la bouche à un si bon hôte, je cédais donc, ou du moins, je ne résistais pas en face."

 

Revenons à nos deux soeurs Louisette et Jeannette. Peut on dire que leur enfance fut malheureuse entre ce père au caractère difficile et cette mère effacée qui se contentait de les élever sans leur prodiguer beaucoup plus d'attention ? Malheureuse, peut être ... Mais elles ont gardé un souvenir merveilleux de leur enfance dans la nature environnante...

Il est vrai que le lieu s'y prêtait, les champs, les vignes, les bois, cette vue en hauteur donnant sur la vallée des Usses ... Je me souviens moi aussi avoir perçu ce lieu comme étant magique et apportant de la sérénité, même cette maison , un rien sordide avait un je ne sais quoi avec sa cour, ses sapins, son petit banc de pierre à l'ombre des grands arbres ...

Et puis de temps en temps un événement particulier bouscule la vie quotidienne comme la venue du grand-père Brun-Buisson, Francisque ! Et alors qu'il s'en va rejoindre Louis qui joue aux boules au Café du Grand Pont (article à voir page 5 de la Gazette de Frangy Autrefois n°8) il a l'idée d'emmener les fillettes avec lui et il leur offre une grenadine... un moment merveilleux et intense que de boire ce sirop rouge et sucré !!!

Autre émerveillement pour Louisette, la lecture des gros titres du Journal. Elle s'en délectait me raconte-t-elle, elle se souvient de l'Affaire Stavisky, du Front Populaire en 1936, des grèves , de la Guerre d'Espagne, et puis elle aimait lire les nombreux petits  livres de son père, de ceux qu'il avait reçus en prix à l'école comme bon élève et qui parlait d'aventures ou du Far West, du "Capitaine Nemrod" ou "le démon des mauvaises terres" ...

 

Mais l'enfance passe, la guerre arrive avec ses privations. Puis la libération enfin ! Pour elles deux aussi la fin de la guerre marque une nouvelle période de leur vie. A cette époque pour les filles, il n'y a qu'une seule façon de quitter la maison. Se marier. C'est ce qu'elles font l'une après l'autre, en 1946 et 47... à 20 ans pour Louisette et à 19 ans pour Jeannette. L'une comme l'autre vont épouser un ouvrier , l'une comme l'autre auront 6 enfants... Mais c'est encore une autre histoire à raconter...

Les Roussel en 1930

Les Roussel en 1930

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