A Marseille, le Monument dédié aux Poilus d'Orient

A Marseille, le Monument dédié aux Poilus d'Orient

Léon Edouard Vasetto était un "Dragon" c'est le surnom donné à son grand-père Jean-Baptiste né en Italie, enrôlé dans les Armées du Roi de Sardaigne et déserteur dans les années 1850. 

Notre Léon Vasetto, né en 1892, premier garçon qui a survécu dans cette famille devait être une tête brulée. A 19 ans il a déjà reçu deux condamnations comme il est mentionné dans son livret militaire. L'une le 30 novembre 1911, condamné par le Tribunal de Saint-Julien à une amende de 50.00 (50 francs ?) pour chasse. L'autre le 16 mai 1911 par le Tribunal de Gex pour coups, il obtient un sursis mais doit payer une amende de 20.00 (20 francs). 1m70, cheveux blonds, visage ovale et menton à fossette caractéristique des Vasetto, il devait aussi avoir du charme.  

Appelé à 20 ans en 1912, il est incorporé au 4ème Génie en 1913. Les soldats du Génie sont appelés les sapeurs. Léon est engagé comme sapeur mineur, sapeur conducteur en tout cas un travail technique (la sape) très dur, pénible et dangereux puisqu'il s'agit de construire des tranchées, des ponts, des galeries, voire de déminer. En avril 1914 il est affecté à Epinal au tout nouveau 11ème Régiment qui vient d'être créé et il fait partie des 1247 sapeurs qui le composent. Son régiment participe aux combats de Notre-Dame-de-Lorette en 1915 et de Verdun en 1916. Cela fait déjà plus de 5 ans qu'il est dans cet enfer du Nord, il n'en peut plus. Pense-t-il à déserter comme son grand-père le fit autrefois ? En tout cas, comme chaque soldat il rêve d'autre chose que ce bourbier où la mort peut vous surprendre à tout moment.

Léon doit souvent ruer dans les brancards car sur son livret figure le fait qu'en mai 1917 il est condamné par le Conseil de Guerre à 5 ans de travaux publics pour outrage à un supérieur et voie de fait en dehors du service. Il se peut donc que notre Léon soit bien un de ces mutins qui refusent de monter en 1ère ligne comme j'en parle dans le chapitre 6. Je comprends pourquoi dans la famille la Chanson de Craonne faisait partie du répertoire familial. Mais cette condamnation est rayée sur son livret et cette peine est suspendue par le Général Commandant la 43ème division. Et selon un cousin, selon l'histoire familiale, cette peine aurait été supprimée car il s'est porté "volontaire" pour l'Armée d'Orient pour échapper à 5 ans de prison.

Alors il se porte volontaire pour l'Armée d'Orient. L'Armée d'Orient créée en octobre 1915 a pour mission de combattre sur le front des Balkans, de soutenir les serbes, d'apporter des armes aux russes et ainsi de casser l'axe entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Turquie.

Léon est rayé des contrôles de sa Cie et est envoyé pour 4 jours en permission le 30 juillet 1917. 4 jours c'est court une fois enlevé le temps de transport. Mais c'est une respiration, loin des combats dont on ne parle pas, tout à la joie de retrouver un bon lit, des repas chauds, une campagne verte où les arbres ne sont pas déchiquetés et brûlés. Ses sœurs Maria et Gabrielle sont heureuses de le revoir et toute la famille pense à Arthur plusieurs fois blessé qui combat au Chemin des Dames. 4 jours ça passe trop vite et heureusement qu'au terme de sa permission il ne doit pas retourner sur le front mais se présenter au dépôt du 2ème Génie à Montpellier. Il y arrive le 10 août, il a sûrement prolongé sa perm !  et ce n'est que le 21 août 1917 qu'il embarque pour Salonique en Grèce où se tient une des bases de l'Armée Française d'Orient.

Il prend sans doute le bateau à Marseille et doit longer la côte française jusqu'en Italie. Quelles sont les impressions vécues par Léon, jeune campagnard de 25 ans qui découvre un autre monde ? Et ce n'est pas fini. Il reprend la route pour traverser l'Italie et rejoindre Tarente dans les Pouilles tout à fait au sud, dans la botte. Il embarque à Tarente le 5 septembre 1917 pour débarquer 2 ou 3 jours plus tard à Itea un petit port grec sur le Golfe de Corinthe. Nous sommes le 7 ou le 8 septembre, après les brumes et le fracas des tranchées dans l'est et le nord il découvre la chaleur et la luminosité de la Grèce. De là il doit encore vraisemblablement traverser le pays jusqu'en Macédoine pour atteindre Salonique.

Il rejoint le 8ème Régiment du Génie le 8 octobre 1917 et passe à la Cie Télégraphique des Armées d'Orient en octobre 1917. Les télécommunications militaires jouent un rôle primordial. Pour les sapeurs il convient de poser puis de réparer des milliers de kilomètres de lignes et ce sur tous les fronts, malgré les combats. Leur action sera héroïque.

Mais quelle fut sa vie quotidienne ? Lorsqu'il arrive la terrible bataille des Dardanelles contre les turcs a pris fin. La situation à Salonique sous les ordres du Général Sarail est chaotique, entre l'attitude ambiguë de la Grèce et les tensions entre les alliés. Pendant ce temps les hommes se battent et les conditions de vie sont difficiles. L'eau est rare ou polluée. Il faut creuser des puits, aménager des points d'eau, concevoir des citernes pour approvisionner quelques 300.000 hommes. Et puis Salonique étant construite dans une région de marais, il faut compter avec les moustiques qui sont eux aussi des ennemis redoutables. La situation sanitaire se délabre dysenteries, scorbut, maladies vénériennes touchent de nombreux soldats mais c'est la malaria qui sera le problème majeur. Une épidémie de paludisme est enrayée en 1916. Toutes maladies confondues il y aura entre 1915 et 1918 près de 360.000 victimes.

Léon n'est pas épargné le 19 octobre 1918 il est admis à l'hôpital pour "grippe". C'est la grippe espagnole, cette épidémie qui a envahi le monde entier en 1918. Mais Léon est de bonne constitution. Il en sort le 9 décembre pour être évacué sur une base navale. Il arrive en France à l'hôpital de Beaulieu-sur-Mer près de Nice le 14 décembre. Il en ressortira le 23 décembre pour une vingtaine de jours de convalescence bien méritée. Où ? je l'ignore. A partir du 13 janvier 1919 il a enfin droit à une permission de 44 jours.

C'est la fin de la guerre. Mais il faudra attendre le 24 juillet 1919 à Grenoble ? pour être démobilisé avec un Certificat de bonne conduite qui lui sera malgré tout accordé. Il peut enfin rentrer définitivement à Eloise pour retrouver les siens.

Après 7 ans loin d'eux le retour à une vie normale sera certainement difficile, reprendre son travail de charpentier, retrouver ses parents les "Dragon" et surtout réapprendre à vivre. Il retrouve son frère Arthur démobilisé en septembre qui prépare son mariage avec Léa pour le mois d'octobre. Puis en novembre ce sera celui de sa sœur Gabrielle avec Robert lui aussi démobilisé en août. Tous ces jeunes couples n'auront pas eu de jeunesse, immédiatement balancés dans l' horreur de la Grande Guerre pour les hommes et pour les femmes aux prises avec les problèmes quotidiens, travailler et rapporter quelques sous, s'occuper de la ferme, des troupeaux, des cultures, apprendre à tout gérer seules, apprendre un temps l'indépendance.

Quant à Léon, ce n'est qu'en 1920 le 6 octobre qu'il épousera à Eloise Céleste Meffret. Il  vivra 16 années avec elle et ils auront 7 enfants. A son décès un 6 octobre 1936, il a seulement 44 ans, dont 7 ans passés à la guerre.

 

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